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On part de Bacalar avec un petit pincement au coeur et des fourmis dans les jambes. Il y a un mois, on a mis les vélos au repos pour retrouver des amis de Genève et passer trois semaines ensemble. Les voilà partis et après quelques jours de "préparation" au bord de cette si belle et paisible lagune, c'est à notre tour de s'en aller pour reprendre notre voyage à vélo. On quitte le Mexique pour un pays bien plus petit ce qui marque symboliquement notre entrée dans l'Amérique centrale : le Bélize.  

Tout ce qu'on sait, c'est que l'ambience y est très carribéenne, que la langue officielle est l'anglais bien que la majorité des gens parlent créole anglais, espagnol et certains encore, maya. C'est ce qui fait la particularité du Belize : la diversité de sa population. Petit pays coincé entre le Mexique, le Guatemala et l'Honduras, la population y est majoritairement d'origine africaine, descendante des esclaves amenés ici de force par l'empire britannique. 

 

A 10 km de la frontière, on est vite remis dans le bain du monde du cyclo-voyage puisqu'on rencontre un couple sud-coréens qui se rendent jusqu'à Chetumal, ville-frontière et dernière étape de leur voyage sur le continent américain, entammÄ— à Vancouver. 

 

De notre côté, l'objectif du jour est de passer la frontière et rejoindre la première ville du Bélize, Corozal. Il nous faut d'abord sortir du Mexique et passer entre les mailles des filets du douanier mexicain corrompu... En effet, on a entendu dire qu'ils essayent de faire payer une taxe de sortie, qui n'est ni légale, ni officielle. C'est une manière d'arrondir leur fin de mois sur le dos de touristes non avertis. 

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Arrivés à la douane, ça ne manque pas, le douanier nous demande 30 $ chacun. On lui repond qu'on a déjà payé 28$ lors de notre entrée dans le pays à Tijuana et qu'on sait qu'on ne doit rien payer à nouveau. Il veut alors une preuve de ce paiement. Heureusement j'ai gardé mon reçu. Mon cas est donc réglé mais Denis a perdu le sien... Le douanier lui dit alors que parce qu'il l'a perdu, il doit payer 30$ d'amende ! C'est du grand n'importe quoi ! Il faut changer de tactique. Corrompu pour corrompu autant jouer là-dessus. Avec un sourire en coin, Denis lui propose alors une petite bouteille de tequila (souvenir de la derniere soirée avec nos amis). L'homme la prend et rit mais ne lâche pas l'affaire. Puis il baisse d'un coup le prix de moitié. Denis lui tend alors une orange en lui suggestant poliment qu'il a peut-être faim ..? Le douanier craque. Il rigole franchement et fini par lâcher du bout des lèvres : "Bueno, pueden pasar..." et met le tampon de sortie sur le passeport. Bingo !

 

Du coté bélizien, c'est franchement plus détendu. Après avoir rapidement rempli un formulaire, on reçoit le tampon d'entrée et se dirige alors vers la sortie avec les vélos. Un douanier affalé sur un chaise nous lance dans un accent créole : " You are doing a world tour by bycicle right ?" Et il se marre d'un air de se dire " encore de ces fous à deux roues ! " Puis il ajoute avec un sourire "Welcome to Bélize !". C est parti !

 

Dès les premiers échanges, on est frappé par le fait que c'est très bilingue. On ne sait pas trop dans quelle langue parler, les locaux parlant anglais puis espagnol, puis d'autres carrément les deux à la fois. L'ambiance a l'air décontractée et tranquille. A Corrozal, on trouve un camping pour passer la nuit. Le lendemain, on emprunte une route en terre qui nous permettra de rejoindre Orange Walk Town. Après quelques kilomètres, il faut traverser une rivière sur un traversier. Il s'agit d'une plate forme flottante, accrochée à un câble qui rejoint les deux rives. Deux hommes font tourner une manivelle à la main pour faire avancer le "ferry" le long du câble. On rencontre alors Dana, une canadienne retraitée qui vit là depuis 24 ans. Elle nous invite a camper chez elle une nuit . Elle habiterait au bord de la mer dans un bel endroit très tranquille appelé Sueno del Mar. On accepte l'invitation et après 6 km de piste, on débarque sur un terrain, effectivement, de rêve. Entre mer des caraibes et jungle luxuriante, sa belle maison est là, à l'ombre des cocotiers. Son voisin, Enrique, nous informe qu'il est possible au Bélize d'apercevoir (avec de la chance), une panthère noire ou un jaguar sur le bord des routes. En effet, plus de 600 félins sont recensés à ce jour dans ce petit pays ! Cela suffit à attiser encore plus notre envie de découvrir la nature qui nous entoure.

Au petit matin, on dit au revoir à notre hôte pour se mettre en route. La piste est pleine de trous et très poussiéreuse. A chaque passage de pick-up et de camions, on est recouvert d'une fine poudre blanche et on ferme les yeux et la bouche pour pas en avaler. L'avantage, c'est qu'il y a très peu de trafic, d'où le choix de prendre cette route et non la highway. Il y a beaucoup de végétation et de champs de cannes à sucre. La route est belle et tandis qu'on est poussé par un agréable vent de dos, on admire le ciel parsemé de nuages qui semblent si bas qu'on pourrait les chatouiller du bout des doigts. A midi, on s'arrête manger à Esteban, un petit village. Alors qu'on sort notre réchaud sur un banc du parc, une dizaine d'enfants nous entoure rapidement. Ils sont curieux. Ils veulent tout regarder et toucher, surtout les vélos. Le plus téméraire insiste pour essayer le mien. Alors que j'hésite ayant peur qu'il tombe à cause du poids des sacoches, il l'enfourche d'un coup et s'en sort comme un chef. Au final, quatre enfants dont une fillette (vraiment petite) l'essayeront et montreront la même facilité. Je suis impressionnée par leur aisance. Ils parlent tous espagnol tout en plaçant des mots d'anglais par ci par là. Ils sont beaux dans la diversité de leurs traits. Ils représentent bien à eux tous, la multiculturalité du Bélize. 

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En fin d'après-midi, on arrive dans une chaleur étouffante à Orange Walk Town. Des attroupements de gens munis de drapeaux bleus ou rouges attirent nos regards. C'est le jour des votations municipales aujourd'hui et ils viennent de rendre les résultats. Un commerçant nous informe que le parti d'opposition gagne toujours un peu plus de voix. Cette fois-ci, ils ont gagné dans 3 villes contre 4 villes pour le parti du gouvernement actuel. 

 

On sort alors un peu de la ville pour trouver un endroit où camper. On trouve assez vite un terrain plat à côté d'un restaurant avec vue sur un petit  lac dans lequel on se baigne tout en guettant l'éventuelle présence du crocodile. La propriétaire nous dit qu'il n'y a pas de problème, on peut poser la tente gratuitement pour une nuit. 


Le lendemain on décide de prendre la old Highway pour se rendre à Belize City. Très vite, des gens au bord de la route nous disent de faire attention, car il y aurait “some bad people along the road...". Pas très rassurant mais on y va quand même. Plutôt qu'une route c'est une piste mais c'est beau et très tranquille avec quasiment pas de voitures. Il fait très chaud mais on avance tranquillement. À midi, on s'arrête près d'une rivière pour manger et profiter de l'eau bien fraîche. On est vraiment au milieu de la jungle. C'est très vert et dense. On devine que ça grouille de vie là-dedans. D'ailleurs, Denis aperçoit un petit serpent à tête bleue traverser la rivière en vitesse. On continue notre chemin accompagnés de plein d'oiseaux tous plus beau que les autres. Soudain, on se retrouve dans un hameau de quelques maisons. Trois petits vieux, deux femmes et un homme, sont assis à l'ombre d'un grand arbre. De vieilles bâtisses colorées sur pilotis se dressent dans le fond, la chaleur du soleil est stoppée par les arbres, une certaine douceur émane du tableau. J'ai l'impression d'avoir devant moi une image sortie tout droit d'un vieux film. On s'arrête pour leur demander de l'eau. Alors qu'on leur raconte notre voyage, une des femmes s'exclame : " You both are crazy. I am good right here as long as they give me my rice, beans and chicken." Dur de savoir ce qu'elle entend vraiment par cette remarque mais le moment est touchant et drôle, comme une rencontre entre deux mondes. 

 

Arrivés sur le site des ruines, on se dirige directement vers le restaurant qu'une femme rencontrée en chemin nous a conseillé. Elle nous avait dit de dire au propriétaire qu'on vient de " Susan, the white woman from Tampa", pour qu'elle nous laisse camper gratuitement à côté de son établissement. À peine descendus de nos vélos, on est accueilli chaleureusement par " Steve from Bélize", qui nous propose toutes sortes de service. On commande deux Belkin, bières du pays puis demande à la patronne si on peut camper ici cette nuit. Non seulement elle accepte mais elle nous offre gentiment un plat de riz et de poulet et laisse ouverte la porte des toilettes. 

Le lendemain, on va visiter les ruines dès l'ouverture à 8h. Les cars de touristes n'étant pas encore arrivés, on a la chance d'être seuls pour visiter le site pendant une heure. Les pyramides sont belles et ont l'air moins retouchées qu'au Mexique. 


Avant de reprendre la Old Highway, on passe voir le mystérieux "Snake Man", un homme qui aurait survécut à six piqûres de vipère.  Passionné de serpents, il les étudie, les manipule et les ramasse au bord de la route quand il en trouve. Il se décrit comme un nature lover et dit vouloir protéger la vie sauvage du pays. Bien que bélizien d'origine, il a vécu 30 ans aux USA et m'avoue ne pas sentir bien ni accepté ici. Il n'a pas accès au permis qui lui permettrait de vivre de sa passion. Le gouvernement refuse de le lui donner s'il ne travaille pas pour eux, dans un zoo. Mais il est hors de question pour Snake Man de travailler dans un zoo même si cela lui offrirait une vie plus confortable. Il souhaite que ses animaux préférés restent libres. Il nous parle aussi d'une cruelle concurrence avec les chauffeurs de bus à  touristes. Ceux-ci arrêtent leur car devant son "shop", laissent les touristes prendre des photos puis repartent rapidement sans que lui-même ne touche un centime... Puis il se met à nous montrer les serpents qu'il garde en ce moment. Il les porte et les manipule avec une aisance impressionnante. Le plus gros est un boa de 3 mètres !  On les porte aussi à notre tour, beaucoup moins confiants. Après cette rencontre forte en adrénaline, on reprend notre paisible route à travers la jungle. Lorsqu'on retrouve la route principale, encore 20 km nous séparent de Bélize City. On a un gros vent de face et le trafic s'intensifie. Denis crève à mi-chemin. Les bouts de verre qui tapissent le bord des routes ont eu raison de son pneu usé. On s'arrête à l'ombre d'un arbre et une fois la réparation faite, on poursuit le long d'une belle rivière qui traverse tout le pays et qu'on retrouvera par la suite : el rio " Belize". 

 

On campe et se repose un jour dans la vieille marina de la ville située à 5 km du centre. 

 

A notre départ, on met cette fois-ci le cap à l'ouest. Ça marque symboliquement le début de notre retour vers la côte pacifique où on retrouvera la panaméricaine, qui nous mènera si tout se passe bien, toujours plus au Sud. C'est avec le vent de dos qu'on décolle ce jour-là.  Heureusement pour nous car il fait très chaud. Le léger vent qui souffle est lui-même brûlant et l'atmosphère est lourde, humide et étouffante. On se dit alors qu'une baignade dans une rivière ne nous ferait pas de mal. On repère endroit sur la carte à environ 20 km. 

 

On bifurque de la route principale sur une piste qui, après 3 km de douce descente dans la jungle, nous fait débarquer sur le spot de baignade. On a oublié un détail, c'est dimanche ! La petite plage de cailloux est bondée, transformée en parking et barbecues improvisés. Notre arrivée est bien sûre loin de passer inaperçue... Tout le monde nous regarde et même si c'est principalement des familles, on se sent un peu mal à l'aise. Mais l'effet de surprise passée, les locaux font de moins en moins attention à nous. On laisse les vélos dans un coin et hop, à  l'eau (plutôt habillés qu'en maillot de bain histoire de respecter la pudeur locale). La rivière est belle, grande et propre. Le léger courant et le fond couvert de pierres préservent une eau pure et fraîche. La jungle nous entoure, l'endroit est à peine aménagé, c'est naturel et beau. Comme ça fait du bien... J'observe un peu la foule qui nous entoure, curieuse de découvrir comment les béliziens se retrouvent en famille le dimanche. Bien que plus familiale, l'ambiance ressemble un peu à celle d'une journée d'été au bord du Rhône. C'est convivial, joyeux et une fois de plus, multiculturel. Il y autant de personnes d'origine latino qu'africaine. Il y a des rastas aussi. La musique à fond passe du reggaton au ragga dancehall. On parle espagnol comme anglais. Certains font cuire des saucisses, les enfants jouent dans l'eau à côté des adultes et des jeunes qui barbotent et plaisantent, une bière à la main.

 

Une fois rafraîchit,  on sort de l'eau, avec l'idée de se reposer à l'ombre d'un arbre. Mais très vite, nouveau problème : on se fait dévorer par des sortes de mouches noires, nos anciennes ennemies canadiennes... On se demande alors si les locaux ont un remède magique, car ils n'ont pas l'air d'être dérangés. Puis on comprend. Il faut rester dans l'eau ou du moins le corps mouillé pour être épargnés des morsures... Piqûre de rappel qu'on n'est pas au bord du Rhône mais bien au Bélize, au milieu de la jungle. D'ailleurs, on voit soudain un homme dans l'eau brandir un iguane d'une main. Pas le moins du monde impressionné, il fait des blagues aux autres membres de sa famille en les surprenant avec le reptile. Et tout le monde rit. Un jeune père avec qui on discute nous apprend que c'est coutume locale de chasser et manger les iguanes. Les locaux n'en ont pas peur du tout, au contraire. On sent qu'ils vivent proche de la nature et savent en tirer profit positivement, pour la médecine naturelle, par exemple ou pour se nourrir. Cependant au fur et à mesure que la nuit arrive, la plage se vide petit à petit, et on découvre alors que tout est recouvert de déchets... Les plus respectueux ont fait des tas et y ont mis le feu. Ça nous avait déjà frappé auparavant, ça se confirme ici : il y a sérieusement un problème de gestion des déchets. Car même si les habitants voudraient jeter leurs déchets dans des poubelles, il n'y en a simplement pas... Il n'existe quasi aucun système de voirie dans le pays, en tout cas pas dans les campagnes. Que ferions-nous à leur place si c'était comme ça en Suisse ? Ramasserions-nous tous nos déchets pour les ramener à la maison sachant que là-bas, on ne saura pas où les jeter non plus, n'ayant aucun endroit mis à disposition, ni pour les ordures ménagères et encore moins pour le recyclage ? Dur à dire... 

Une fois de plus, on est confronté de plein fouet à la surproduction de déchets inutiles, devenus d'autant plus voyants par l'inexistence de poubelles publiques.

 

On campe sur la plage et au petit matin, c'est le cris des singes hurleurs qui nous réveillent. Une brume nous entoure et les oiseaux se mettent à  chanter. La jungle a quelque chose d'hypnotisant. C'est magnifique mais... Il reste toujours tous les déchets de la veille. On se lance et en 20 minutes, tout est ramassé. Après une ultime baignade, on jettera les poubelles discrètement dans un camping pour touristes près de la route, espérant que quelqu'un saura quoi en faire...

 

On rejoindra la frontière du Guatemala deux jours plus tard. La route qui nous y emmène est doucement vallonnée. On sente qu'on a quitté la côte pour s'enfoncer chaque jour un peu plus dans les terres. C'est plus tropicale, plus humide. D'ailleurs, notre dernière nuit sous tente au Bélize nous l'a bien montré. Un pluie tropicale nous réveille en pleine nuit et le temps qu'on recouvre la tente, on est trempé et ça prend l'eau d'un peu partout... Les moustiques arrivent en force et le temps qu'on se jette à nouveau dans la tente, ils nous ont piqué. On se gratte, ce qui réveillent tous les anciennes piqûres. .. Malgré tout, tellement épuisés (c'est l'avantage du vélo), on s'endort, les pieds dans l'eau... 

 

Après 8 jours à parcourir ce beau petit pays, nous voilà à la frontière du Guatemala.

 

A suivre ! 

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