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Arrivant à Grenade, on s'imaginait alors que la prochaine étape de notre voyage serait le continent sud-américain que l’on rejoindrait au Venezuela ou en Colombie.  Notre bonne étoile en a décidé autrement puisqu'elle nous a envoyé dans la direction opposée. Hasta Cuba !

 

Le «passage plan» établit par le capitaine nous faisait traverser les Grenadines avec des haltes sur nombres d’autres petits bijoux caribéens. En tout, il avait initialement estimé que 2 à 3 semaines seraient nécessaires pour ce voyage. Ce n’est pourtant seulement qu’après deux mois que l’on mis enfin pied à terre sur le sol cubain. 

Deux mois où l'on a côtoyé des décors paradisiaques. Baignés dans une atmosphère propre aux iles chaudes, enveloppés par la tranquillité et le rythme qui y ont cours. 

Deux mois aussi où en revanche, la partie qui consistait à naviguer fut plus ardue. Que ce soit sur « Maria » ou « Dolphin », jamais cela n’avait été aussi rude. On frôla souvent la catastrophe si bien que l’on faillit ne jamais atteindre Cuba, noyés sous les problèmes que nous posait Calypso. On avança, île par île, d’aventures en mésaventures.

 

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Retour sur cette odyssée.

 

Depuis le ponton, Laeti me tendait péniblement le vélo que je posais horizontalement sur les boudins de l'annexe dont nous disposions étant équipiers sur «Calypso 1 ».  Après avoir parcouru 400 mètres dans la baie de Prickly, à Grenade, Laeti s'efforçait cette fois à faire passer les vélos que je lui tendais par dessus la  barrière qui délimitait le pont de ce « bon vieux deux mats »de 14,50 mètres de longueur.

Pour la troisième fois en quelques mois nos vélos étaient de nouveau enlevés à leur élément naturel, condamné à l'immobilisation, emmitouflés dans une bâche bleue. Cette fois-ci, ils avaient moins de chances que les fois précédentes puisqu'ils assisteraient au spectacle depuis les premières loges, le pont, attachés à la barrière. 

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Quelques jours plus tôt, on recevait un mail d'une prénommé Judy et d'un dénommé Victor qui après nous avoir entendu passer notre annonce sur le canal 68 de leur VHF, nous invitait à nous rencontrer au bar de la marina afin de définir d’une éventuelle suite ensemble. 

Cette idée d'annonce radio nous avait été suggérée à plusieurs reprises alors que l’on faisait la tournée des marinas et des bateaux au mouillage à Pricly bay afin de trouver une embarcation.

 Profitant d'être encore à bord de Dolphin et de pouvoir utiliser la radio pour émettre, on s'engouffra entre la météo et d'autres rubriques et d'une voix qui se voulait confiante, on passai notre annonce qui disait quelque chose comme cela : « Bonjour nous sommes Laeti et Denis un jeune couple originaire de Suisse, équipiers, nous cherchons un voilier pour naviguer jusqu'en Amérique  du sud, centrale, du nord ou Cuba. Avec plus de 4000 NM, on se propose d’aider aux manœuvres, quarts de nuit, cuisine, etc...

Était-il écrit que ce message ne tomberait pas dans l'oreille d'un sourd mais dans celle de Victor, seulement partiellement sourd? 

Qui sait, en tout cas, le 14 mars à l'aube, Calypso quitta la baie de Prickly avec 4 personnes à bord. On était loin de s'imaginer la suite. Sur le pont, encore un peu fatigués mais trépignant d’impatience, on se délectait de ces instants magiques, les Caraïbes nous attendaient et c’est en voilier s’il vous plait, que l’on partait à leur découverte.

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Après avoir passé le cap des Sallines, on remonta petit à petit l’ile par tribord. « Gre-nai-deuh» comme ils disent, magnifique, verte  impressionnante, que l’on avait sillonné en stop pendant quelques jours et qui nous avait servit de refuge après la transatlantique.  Au cours de cette première journée ensemble on a découvert l’étrange régime que suivait Victor constitué presque uniquement de bière et de gin tonic. Ainsi à bord, on avait à ce moment plus d’alcool que d’eau potable.

Lors de notre première escale, on avait été très étonnés de le voir, alors aux commandes, heurter le « fuel dock » aussi violemment sans qu’apparemment cela ne semble lui poser problème…

Jusqu'à Union-Island, notre prochaine escale, seulement une quinzaine de miles nautique restait à parcourir. On l'apercevait en effet aisément depuis la Petite Martinique. ​Seuls sépare ces iles quelques bancs de sables qui émergent, bordés par cette eau turquoise propre aux Caraïbes qui s’assombrit à mesure que la profondeur augmente. Une véritable carte postale.

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Auparavant Victor et Judy avaient déjà effectué avec Caplypso le trajet Petite-Martinique - Union Island. Ils disaient connaitre le « channel »qui permettait d'éviter les récifs et d’entrer dans la zone de mouillage, protégée des vagues par ces mêmes récifs. Je l’entends encore me dire « We play it by memorie » .

La mémoire lui fit malheureusement défaut et on s’échoua lamentablement sur les coraux.

Sur le coup ça nous semblait irréel. Le bateau avant de s'arrêter net glissa sur les premiers récifs en tremblant dans un grincement crissant à peine étouffé par l'eau puis s’arrêta.  Consternation. Vraiment ?  En regardant par dessus bord, on distinguait clairement le fond. Non loin de nous, trônait la bouée rouge et non verte qui signalait l’entrée du passage. Que faire ? 

La réponse vint de la baie à toute vitesse. Deux, puis trois, bientôt cinq hors-bords qui tournoyaient autour de nous et qui faisaient cracher leur moteur pour faire sortir calypso de ce mauvais pas. 

Dans la cabine, Victor assis, les yeux dans le vide semblait comme paralysé. Faut dire qu’avec ces 74 ans et ces plaques dans le dos courir partout sur le pont, réceptionner des cordes, les attacher en toutes hâtes afin d’éviter de se faire broyer les mains car déjà à l’autre bout le hors-bords a mis les gaz, ce n’était pas possible. Dans la confusion, un des locaux venu toucher sa part du jackpot se fit violemment sécher par une corde qui se tendis subitement à hauteur de son cou. On frôla la catastrophe et puis au bout de 10-15 minutes, Calypso regagna les profondeurs. Un Unionais grimpa à bords, pris les commandes et nous amena au mouillage. A peine arrêté, tout le monde monta à bord et réclama à boire. En 5 minutes 32 bières disparurent. Parallèlement, dans la « wheel house » leur «chef» négocia durement le prix du sauvetage avec Victor et l’adition s'avéra être plus salée que la mer, 2500 pounds, 500 par barque, une manne providentielle pour ces pêcheurs, un thon en or massif qui est venue s’échouer sous leur yeux. Pendant que je plongeais pour scruter l’état de la coque et celui de la turbine, Judy s'adonnait à une séance de selfie avec nos héros du jour.

 Heureusement, le bateau n'eu rien. Je fus même surpris d'y trouver à peine quelques égratignures.

 Calypso était solide, il était en acier et tant mieux car ce n’était pas sa dernière rencontre avec les fonds "caraïbéens".

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Après quelques jours passé à Union, on mis les voiles pour Bequia. 

En cours de route, Laeti vérifia sur la carte le cap que Victor avait définit doutant de plus en plus des capacités de notre capitaine. Bien lui en prit car elle s’aperçut qu'on était 40 degrés trop à l’est ce qui pour sûr, ne nous menait nulle part. 

Avant d’arriver à Bequia, on passa notamment à côté de Mustique surnommé  « l'ile aux milliardaires ». 

 Mustique, c’est l’autre visage des Caraïbes. Une île privée, achetée pour 100 ans et administrée entièrement par Mustique Company qui y assure également la sécurité. Si par hasard tu as loué une chambre dans le seul hôtel de l’ile, le« Cotton house» pour la modique somme de 2000 $ la nuit, tu croiseras peut-être en te rendant au supermarché Mick Jagger, Tommy Hilfiger, fut un temps David Bowie et bien d'autres.

 L’arrivée à Bequia fut somptueuse, à l’entrée d’Admiralty bay deux rochers se détachent, 2 colonnes de pierres qui ont eu raison d’un chalutier venu s’encastrer contre.

Le soleil commençait alors à descendre, c’était splendide. 

 Les problèmes ne tardèrent cependant pas à venir ternir le tableau. Rien de dangereux cette fois-ci, juste la grande voile qui malgré tout nos effort combinés, refusait de redescendre. La drisse étant complètement emmêlée au sommet du mat. Foutue poulie… Après maints efforts et beaucoup d’huile de couds on parvint tout de même à la redescendre pour constater qu’elle s’était déchirée par endroit tout comme la housse. Six jours d’arrêt furent nécessaires pour la faire recoudre.

Heureusement il y a pire lieu pour se retrouver contraint d’attendre. Bequia fut notre grand coup de cœur. L’ile est minuscule, l’ambiance est très détendue dans un style très rasta. Le sable est blanc, la forêt raisonne de mille bruits, les eaux sont poissonneuses et les noix de coco délicieuses. On y passe de très belles journées faites d’excursion à pied ou en dinghy, ponctuées de travaux de maintenance sur Calypso.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tout au long de cette traversée des Caraïbes on découvre aussi le créole. Que ce soit le créole français ou le créole anglais il faut s’accrocher. Pour être même très honnête on n’y comprend rien. C’est fou parce que, cela sonne comme de l’anglais ou du français mais la connexion refuse de se faire dans nos têtes.

Si ou pé ba mwen l’eau ?              Quoi ? Que dis tu ? 

On quitte Bequia après six jours et en sortant d’Admiralty bay, une grande tortue vint nous montrer la direction à suivre pour rejoindre Saint Vincent, notre prochaine étape. D'ile en ile on se rapprochait de Cuba. 

A Saint Vincent, on mouilla à Wallilabou bay rendue célèbre par le film Pirates des Caraïbes. Après 3 nuits on se réveilla au son d’un pêcheur qui tambourinait contre la coque et criait « Wake up !  Wake up ! » .Une fois sur le pont, on s’aperçut que le « corps-mort » avait cédé et que nous étions entrain de dériver contre la berge. Victor enclencha immédiatement le moteur et après avoir d’abord mis la marche arrière au lieu de la marche avant (ce qui bien sur nous arracha des cris d’effroi) on s'éloigna enfin de la rive. 

Dans la foulée étant désormais  bien réveillés, on décida de partir pour la Martinique qui selon Victor se trouvait à quelques heures de navigation de Wallylabou Bay.  Problème d'échelle nous annonça-t-il, quand le pêcheur du coin juste sur le départ lui affirma lui aussi que la Martinique se trouvait beaucoup plus loin que ce qu’il affirmait. Sans plus tarder, on hissa donc les voiles pour Rodney bay à Sainte Lucie.

 

La navigation aurait pu merveilleusement bien se passer. En partant de Wallilabou, on longea l'ile de St-Vincent beaucoup plus grande que Bequia et tout aussi belle. On apercevait des plages paradisiaques nichées entre les falaises suivies de forêts de cocotiers puis d'arbres divers, tout cela s'élevant graduellement en altitude jusqu'à se perdre dans les nuages. Calypso avançait mieux que jamais, 6-7 kts de moyenne et même une pointe à 8,2. Si Calypso avançait aussi bien c'était parce que l'on avait déroulé le Génois, chose qu'on allait pas tarder à regretter... 

Les choses commencèrent à se compliquer quand le moteur se mis à émettre des bruits bizarres car il n'y avait apparemment plus de liquide de refroidissement. Victor comme à l'accoutumée se tourna vers moi et me passa un bidon sans étiquette supposé en contenir.

 Arrivant à Sainte-Lucie on commença à abaisser les voiles les unes après les autres. Problème, impossible de rentrer le Génois,  on tenta mille et une «technique» mais rien ne marcha et pour couronner le tout le moteur se remis à émettre d’étranges bruits. Je revins donc vérifier si il n’y avait pas de fuite dans le circuit de refroidissement et en dévissant le couvercle anormalement chaud soudainement, bruyamment, le couvercle sauta et de l'huile bouillante gicla dans une épaisse fumée blanche sur ma jambe et mon poignet. Sous le choc je me relevai et sortit à califourchon de « la salle des machines ». Après vérification, je fus bien heureux de constater que ma peau était toujours là. La douleur passée, j’eus droit à quelques cloques pleine de pue puis le tout disparu sous une cicatrice toute pâlotte sur ma peau brunie par le soleil des tropiques.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cette mésaventure, me rappela celle beaucoup plus tragique de Max, un ami à nous. 

En effet, ce jeune Anglais de 21 ans partis pour traverser l'atlantique ne failli jamais revoir la terre, victime d'un accident avec sa cuisinière​ 24 h avant l'arrivée.

 Suite à un retour de flamme, brulé sévèrement au torse et au visage, il se jeta à la mer par dessus le bord de «Flyng Clouds 4», son petit «  7 mètres » en bois ne se tenant que d'une main à la filière afin d'atténuer la douleur. Héroïque, il parvint à rallier Grenade quelques 200 km plus loin où il fut hospitalisé pendant 10 jours avant de prendre un vol pour l'Angleterre.

Rodney bay était maintenant bien en vue tout comme l’était toujours le Génois qui nous narguait en faisant claquer sa robe sous notre nez.  Impossible de le tuer, il déstabilisait le voilier et rendait difficile de jeter l'ancre. Aussi, à chaque claquement, il s’usait un peu plus et raccourcissait sa durée de vie. 

 La suite des évènements tint d'une bonne blague... Victor cherchant à nous protéger du vent afin de couper le vent au Génois amena Calypso à gauche puis à droite de la baie. Bien sur, pour changer, il fonça droit sur les rochers et les zones peu profondes. Nous fûmes donc très vite dans seulement un mètre de profondeur selon le « depht sonder » et on ne tarda pas à réentendre des bruits sourds émanant de la coque suivit de secousses qui vinrent confirmer que la coque faisait connaissance avec les gros cailloux que l’on apercevait distinctement depuis e bateau. Ces derniers venaient se frotter (d’accord c’est plus nous qui venions nous y frotter) à l'acier du voilier dans un grincement peu recommandable. Pire, l'ancre qui avait été balancée hasardeusement était maintenant bloquée sous ces même gros cailloux. Ainsi, elle faisait faire au bateau des dangereux demi arcs de cercles passant régulièrement à moins d'un mètre d'un immense caillou sur lequel debout, je n'aurai eu que les mollets dans l'eau. Après beaucoup de tentatives, on parvint enfin à lever l'ancre et cette fois-ci, on se mit à bonne distance du bord et dans 3 mètres de fonds avant de jeter l ancre. 

En ce qui concerne le Génois, on l'enroula comme on put avec des cordes et je grimpai le long pour y attacher à 3 mètres une autre corde dans le but de réduire sa prise au vent et le capharnaüm qui va avec. 

Au réveil,  on l'enleva de l'enrouleur et on partit pour la Martinique qu'on atteignit, une fois n'est pas coutume, sans peine et sans mauvaises surprises. On eut même la visite de quelques dauphins en chemin mais  hélas ils ne restèrent pas longtemps, attirés par les remous que créait un Cata Lagoon qui nous doublait par tribord, voile rangée, le moteur tournant à plein régime malgré un bon vent du sud-est. Beaucoup de voilier dans les Caraïbes mais peu de skippers.

Après environ 5 heures de navigation, on entra dans le « channel » de « Cul de sac le Marin » sans soucis et Victor nous fit même l'honneur d'accoster en cul à quai sans toucher les deux autres bateaux qui nous entourait et s'en cogner le quai.   Nous venions d'arriver en Martinique, bonjour la France.

 

En Martinique, on y resta 10 jours. Entre bivouac sur des plages paradisiaques, l'anniversaire à Laeti, nos retrouvailles surprises avec une dizaine d'autre « bateau-stoppeurs » rencontré à Las-Palmas et des réparations sur le bateau,  le temps passa. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

On souffla un coup et à vrai dire, Laeti hésita énormément à continuer l'aventure sur Calypso à cause des nombreuses choses qui s’étaient mal déroulées. Certains de nos amis qui s'y connaissent mieux nous conseillèrent de descendre. Malgré tout, on s’entendait bien avec notre capitaine, certes il nous en faisait voir des belles et son grand attachement au gin et à la bière ne cessait de nous surprendre mais descendre signifiait ré-entreprendre de longues recherches pleines d’incertitudes en quête d’un autre voilier. Au vue des recherches infructueuses de nos amis qui étaient pour certains déjà là depuis un mois, la tâche comme d’habitude ne s’avérait pas aisée. On douta et on se prit pas mal la tête avec Laeti à ce sujet et finalement on décida de continuer. On se dit que c'était trop con, qu'on voulait aller au bout, qu'on voulait rejoindre Cuba. Au fond, on était plus si loin.« Siempre hasta Cuba » sera notre dicton, jusqu'à la fin.

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On repartit donc de Martinique un peu indécis mais conscients qu'en acceptant de continuer l’aventure, nous acceptions le rôle que l'on allait devoir endosser. En quelques semaines sur Calypso, on avait brûlé des étapes. Toujours désireux d'apprendre et un peu trop têtu pour dire « je ne sais pas faire », je préférais plutôt la formule « je peux essayer ». 

Ainsi, je me retrouvai souvent dans des situations inédites, parfois dangereuses mais peu m'en importais alors.  Sur un voilier mon comportement n’était plus vraiment le même, je parlais voilier, je mangeais voilier et je rêvais voilier.

Laeti, moins enthousiaste car moins sollicitée, eut parfois mille peines à me suivre et ça se comprend....  Pour elle, les choses revêtaient une autre apparence. 

Une apparence très masculine en la personne du Capitaine.

 Sur ces 5 mois passés à écumer les mers, nous n'avons rencontré qu'une seule Capitaine (oui, il y a Eilen MacArthur et Florence Arthaud, certes). 

L'équipière n’est souvent bonne qu’à accrocher les parbates pendant que le capitaine gueule des ordres incompréhensibles depuis le cockpit d'où il tente péniblement d'accoster son vaisseau…

Une heure avant que le soleil ne se couche, afin d’avoir juste assez de temps pour pouvoir mettre la côte et ces récifs derrière nous avant la nuit, nous appareillâmes à nouveau. Par ce départ, on débutait la deuxième partie du plan, celle qui allait nous faire quitter les îles et nous tirer plus au large pour plusieurs jours de navigation, une première avec Calypso.

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Tout commença bien mais comme d'habitude, ça ne dura pas. L'AIS  fonctionna 10 minutes puis s'arrêta encore une fois mystérieusement. Les feux de navigations à la proue et sur le mat ne marchait plus nous rendant quasiment invisible. Seul une lanterne solaire accrochée à la poupe fonctionnait encore. 

Les batteries permettant de faire démarrer le moteur capotèrent et ainsi en cas de besoin le moteur ne pouvait pas démarrer. En revanche côté voiles, tout se passait bien, les 15-20 kts de vent en moyenne  nous permettaient d'avoir le génois sur toute sa taille, la grande voile en riffe 3 ainsi que la voile d'artimon en rife 2 pour plus de stabilité. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Néanmoins, après 2 jours, le vent ayant diminué on décida de dépoussiérer  le « cruising shoot ». Sorte de spinnaker qui permet de tirer le meilleur de 10 noeuds de vent. Magnifique, immense, plus grands que le Génois ou la grande voile et fait de textiles très léger, il capte les sursaut du vents et se balade constamment comme porter, à l’image d un cerf volant.

De par sa condition plus fragile que les autres voiles, il est fortement conseillé de le redescendre à la tomber de la nuit afin de parer une éventuelle reprise du vent ou le passage d'un grain qui pourrait le déchirer.

Ce que l'on fit non sans peine ce soir-là, à l'approche d'un grain. La chaussette supposée glisser le long de la voile ne voulait pas descendre car une poulie (foutue poulie) avait lâcher. 

Laeti manqua de se brûler avec une  corde qui lui fila entre les doigt et moi, d’être littéralement éjecté par dessus bord, après qu'une corde que je tirais de toutes mes forces et qui était accrochée d'un côté au mat et de l'autre à la voile se tendit entre mes jambes sous l’effet du vent dans la voile. Foutue poulie. 

La vie sur le bateau ne se passait pas mieux... Victor était constamment occupé avec les batteries et Judy ayant le mal de mer ne pouvait rien faire d'autres que rester allongée.

 On se retrouvait donc à faire en plus des quarts, la cuisine, la vaisselle, le rangement etc.… La fatigue se fit très vite ressentir. 

Finalement après des jours d'acharnement, Victor parvint astucieusement à réparer les batteries et 6 jours après être partis de la Martinique, après une escale forcée au large de Culebra (USA), on arriva enfin bonnan mallan à Puerto Rico.

Pour en arriver là, il avait encore fallu monter en haut du mat en mer pour faire descendre la grande voile coincée une fois de plus au sommet. Tout en haut du mât, ça m'a évoqué quelque chose comme... « Il était un petit navire ... ».

 L'espace et la promiscuité dans laquelle la vie se déroule sur un bateau n'a d'égal que l'immensité qui l'entoure.

Aussi, en partant de Culebra, le moteur ne démarrant pas, il nous a fallu remonter l’ancre à la main et quitter le mouillage à la voile ce qui nécessita pas mal de coordination car le vent nous poussait dans la mauvaise direction. Sans le savoir on réalisait là, la manoeuvre qui par son échec allait envoyer Calypso par le fond quelques semaines plus tard.

 

 Mais pour l'instant, place à Puerto Rico, 51ème états des états non unies.

Le ton fut très vite donné puisque à peine arrivés, les problèmes tambourinèrent à la coque.  En effet, nous croyions être en possession du bon document de voyage mais une charmante officière de la Border Control US nous apprit que non... L ESTA que nous possédions était caduc si l’on arrivait en voilier. L'amande était lourde, 750 $ chacun... à moins que... « Vous dîtes à l'office de contrôle de l'immigration, ce qui semble être réellement le cas, que vous avez été victime d'une avarie et que vous étiez contraint de vous arrêter à Puerto Rico. Dans ce cas, il ne vous en coûtera que 65 $ par personnes ».

Ça faisait quand-même cher mais pour une fois, le fait que le bateau tombait en miette nous arrangeait bien.

Après avoir donné nos empreintes et répondu à des questions les unes plus idiotes que les autres, on nous tamponna enfin un joli «paroled» dans notre passeport, valable 30 jours et admissible une seule fois dans une vie... Autant dire que l’on a intérêt  à ne plus avoir des problèmes auprès des côtes américaines. 

A Puerto Rico on fait escale une semaine. Le temps de réparer et de faire réparer pour pouvoir atteindre Cuba. De cette ile, nous ne verrons malheureusement que très peu, Après de nombreuses réparations sur le bateau et une escale de 3 jours à San Juan, vint le moment de larguer les amarres une dernière fois de San juan bay marina à Marlin Punta Gorda marina à Santiago de Cuba. 

Victor encore pris avec ces problèmes d'échelle avait prédit trois jours quand environ cinq ou six son normalement nécessaires pour parcourir cette distance. Nous en mettrons neuf et ces neufs jours furent à l’image de cette traversée des caraïbes.

 « I know by experience that when to many things are going bad and the problem start to be bigger and bigger, it’s time to find a shelter in order to solve the problems», disait le capitaine après quatres jours.

Par là, il entendait que l'accumulation de problèmes tel qu'un moteur qui ne s’allume plus doublé de voiles très endommagés fait d'un beau voilier une barque qui dérive.  

A cette séries de problèmes s’ajoutaient encore celui des pompes qui servent à vider la cale qui ne marchaient plus (3 pompes). La trappe qui donne sur le nez du bateau qui avait été sortie de ces gonds par l’écoute et laissait ainsi le « front pick » à la merci de grosses vagues. 

Voilà où on était 4 jours après être partis de San Juan...  Par nécessité, on s’était ancré à une centaine de mètres d’une petite île, qui lui même était à moins d’1 km des côtes de la République Dominicaine. On y resta 2 jours, 2 jours incertains. 

Les voiles étaient très endommagées car une des nuits précédentes, laquelle je ne sais plus trop, Victor n’avait pas jugé nécessaire de rentrer le cuising shoot. Aussi, le si beau cuising shoot décida au milieu de la nuit, encouragé par le vent qui avait augmenté d’aller passer la nuit sous le bateau uniquement retenu par les deux écoutes.

Le remonter au petit matin à l’heure du petit déjeuner fut une affaire bien pénible. Une bonne heure à trois fut nécessaire pour le remonter par dessus bord.

Heureusement que c’est la mer des caraïbes et pas la mer du nord.

 En l’absence de propulsion, nous étions ballotés  par les vagues et le vent qui avait grossit pendant la nuit et soufflait maintenant à 25 noeuds selon l'anémomètre.

En voulant dérouler le génois, on s’aperçut que la corde qui le retenait était elle aussi coupée en deux. Ainsi, on pouvait tout de même s’en servir pour avancer mais il devait être manié avec précaution afin qu’il ne glisse pas encore plus que ce qui était déjà le cas le long de l’enrouleur.

 

C’est pour cela que l’on décida alors d’aller s’abriter derrière une petite île pour se reposer et réparer ce qui devait l’être.  Le vent soufflait maintenant fort, 30 à 35 nœuds avec des rafales à 40. Les vagues n’avaient jamais été aussi grandes et s’entrechoquaient de toute part, laissant couler sur leur flanc une trainée blanche. C’était splendide et à la fois effrayant. A 800 mètres environ, les falaises d’une autre petite île abandonnée se dressaient pour contenir les flots. La voile d’artimon se déchira, les assiettes, les outils et mêmes les batteries volèrent dans le bateau.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les quatres dans la Wheel house, on tentait désespérément de travailler ensemble pour s’éloigner de l’ile car bien sûr, si près de la terre, le fond était remonté sous la barre des 5 mètres. De profondeur Pas question cette fois d’espérer une éventuelle aide de l’extérieur, on était absolument seuls. 

Quand enfin nous parvînmes à nous abriter un tant soit peu, il ne soufflait plus que 20 nœuds selon l’anénomètre. J’enfilai deux gilets de sauvetage en guise de baudrier et Laeti m’assurant avec une corde, je grimpais le long de l’échelle du mât dépliée pour l’occasion afin de rattacher la drisse à la tête du Génois. Balancé contre le mât, la tâche ne fut pas facile. J’essayais non sans mal de m’accrocher aux étais ou au mât pour ne pas être projeté de part et d’autres comme un pantin.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ces deux jours permirent aussi de récupérer du sommeil perdu. Sur Calypso, les quarts étaient établis de la sorte : quatre heures Victor et Judy puis quatre heures Laeti et moi. 

A l’inverse de « Dolphin » ou encore de « Maria », « Calypso » ne dégageait pas la confiance. Constamment sur le qui-vive, le sommeil était confiné au strict minimum, chaque heure de sommeil glanée par-ci ou par-là était bonne à prendre. Les prises de décisions furent plus hésitantes et les soucis jamais très loin. 

Deux jours après être repartis de notre îlot de fortune,  Judy et Victor alors de quart,  nous réveillèrent en panique car étrangement, on se trouverait dans 1 mètre de fond. Il fallait donc rentrer les voiles, allumer le moteur et faire marche arrière immédiatement. Parallèlement une épaisse fumé se dégageait en grande quantité du moteur et de tout évidence quelque chose semblait surchauffer ou peut être même pire prendre feu. À 2 h du matin au large de la République Dominicaine avec un bateau en feu, je ne donnais pas cher de notre peau. Bizarrement, malgré que l'on ait fait demi tour la profondeur restait ridicule moins d’un 1 mètre selon le « depth sonder ». Judy était hystérique, les yeux rivés sur l’indicateur de profondeur. Toujours plus de fumée sortait du carré. C’était un cauchemar et pourtant on n'avait toujours pas touché. Quelque chose clochait, je me ruai alors sur la carte y déterminer notre position et m’aperçus très clairement de la bêtise. Il s’agissait tout simplement d’une erreur de l'indicateur de profondeur car nous nous trouvions en réalité dans plus de 600 mètres de profondeur. Malgré tout Il me fallût pourtant encore crier à Victor à 3 reprises afin qu’il consente enfin à couper le moteur. Je pris alors la barre et Laeti ressorti le génois. Cinq minutes plus tard, hormis la fumée encore présente, tout était revenu dans l’ordre.  Cette erreur portait un coup à mon optimisme un peu trop optimiste et allait me hanter le restant du voyage. Dans la panique, j’avais l’espace d’un instant réellement cru que le feu s’était déclaré sur le bateau.

Fut évoqué alors l’éventualité de s’arrêter et cela définitivement. Nous n’étions pas du tout emballé par cette idée mais de toute manière eux non plus car ils disaient craindre pour leur bien à Haïti, l’ile qui était alors la plus proche.

Nous avons donc continué et le jour suivant nous doublions le cap situé à l’extrême ouest d’Haïti. Depuis ce point débutait la traversée du « windward passage » réputé délicat à cause des courants qui se rencontrent et des vents qui l'agitent. Fort heureusement il n’en fut pratiquement rien pour nous. Le vent fut constant et juste quelques grains vinrent brouiller l’horizon. Victor décidé à réparer le moteur avant d’arriver à Cuba s’acharnait dessus nuits et jours. Des dauphins nous accompagnèrent, jaillissant des vagues et s’éclatant de tout leur long sur l’eau. La nuit précédant l’arrivée, la pluie se mit à tomber violemment. Il plut averse de longues heures. Émanant de La VHF, des brides de phrases en espagnol résonnaient dans le cockpit. Pour sûr, on faisait bonne route.  

A quelques heures de l’arrivée, on écopa en formant une chaîne humaine des centaines de litres d’eau que les pompes ne parvenaient plus à expulser. 

Au petit matin, Cuba était en vue. Afin de gagner du temps pour permettre une hypothétique réparation du moteur par Victor, on abattit les voiles. Dérivant vers les rochers, nous distinguions très clairement le passage qui s’engouffrait entre les falaises par lequel il nous fallait entrer. Soudain, un immense cargo en sortit et il s’en fallut de quelques minutes que l’on ne se retrouve sur son chemin, privés de propulsion, juste bons à se faire écrabouiller. 

Toujours dans l’incapacité de redémarrer le moteur, on se rapprochait toujours plus des récifs. Le temps était compté, accoster à Cuba oui, s’échouer sur Cuba non merci. Il fallait agir, on décida alors avec Laeti de ressortir les voiles et d’entrer de cette manière-là dans le passage. 

Elle déroula le génois qu’elle ajusta au mieux étant donné le peu de vent qu’on avait alors et je pris la barre. Gentiment, on s’éloigna du bord et mètre après mètre, on rentra littéralement dans la côte. A la manière d’un slalom, on passait entre les bouées bleues et rouges indiquant le chemin à suivre.

Après une centaine de mètres effectués, on aperçut enfin à travers le rideau de pluie qui s’abattait à nouveau, la marina de Punta Gorda.  Victor pris contact avec les marineros  et un catamaran vint nous tracter coque contre coque jusqu’à quai. 

Des pêcheurs flottaient tout autour de nous sur d’étranges embarcations fait de bouts de sagex et de bouées rondes. 

Il était 9h du matin, l’air était chaud et humide. Autour de nous, la végétation était d’un vert rendu encore plus éclatant par la pluie que l’on entendais tambouriner sur la tôle du toit des maisons aux alentours.

C’est arrivée à Cuba restera probablement longtemps dans nos mémoires. 

Après une fouille complète de Calypso, on se dirigea vers le petit bar/restaurant pour fêter l’arrivé à coup de Cuba Libre. Je me rappelle encore très bien du premier cubain à qui l’on a parlé, le marinero en charge de notre bateau. « Vous êtes Suisses ? La prochaine fois que vous venez, ramenez-moi du chocolat suisse, ils ne savent pas faire du bon chocolat ici. Il n’y a que les femmes et le rhum qui soient bons ici ». 

 Heureusement, les 2 mois que l’on passera à cuba nous montreront que oui, le rhum est bon et les femmes sont belles mais bien plus encore.

 

La fin de l’histoire pour Calypso :

 Dans nos derniers instants ensemble, on leur avait vivement déconseillé de continuer le voyage à deux. Victor eut la sagesse de reconnaitre qu’il pensait désormais n’être plus à même de commander un voilier. Pourtant deux mois plus tard, nous eurent des nouvelles de leur part. Après plus de 2 semaines d’arrêt à Santiago de Cuba, ils avaient repris la mer. Suite à une manœuvre citée plus haut, ils s’étaient échoués. Le bateau cette fois-ci, s’était alors couché sur le flan, se remplissant d’eau. Quatre jours plus tard, une remorqueuse vint sortir le bateau du récif mais le mal était fait. La ligne de flottaison étant submergée, le bateau une fois au large coula en 5 minutes…

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